Sous-traitant : se faire indemniser par le maître de l’ouvrage faute de caution par l’entrepreneur principal ?
Les faits
Un sous-traitant agit contre le maître de l’ouvrage en indemnisation de son préjudice résultant du non-paiement du solde de ses travaux et du coût de travaux supplémentaires.
La cour d’appel constate qu’il a été accepté et agréé par le maître de l’ouvrage qui, cependant, n’a pas exigé de l’entrepreneur principal qu’il fournisse les garanties principales au sous-traitant. Elle alloue au sous-traitant le solde impayé, mais pas le coût des travaux supplémentaires, au motif que les devis n’ont pas été validés par le maître de l’ouvrage. L’affaire est portée en cassation.
La décision
Le juge rappelle que, lorsque le sous-traitant est agréé et que ses conditions de paiement ont été acceptées, le maître de l’ouvrage doit exiger de l’entrepreneur principal qu’il justifie, sauf délégation de paiement, d’avoir fourni une caution. Son manquement prive le sous-traitant du bénéfice d’une garantie lui assurant le complet paiement du solde de ses travaux. Le préjudice réparable est égal à la différence entre les sommes que le sous-traitant aurait dû recevoir si une délégation de paiement lui avait été consentie ou si un établissement financier avait cautionné son marché et celles effectivement reçues.
Il décide donc que l’indemnisation accordée au sous-traitant agréé et accepté, ne bénéficiant pas d’une garantie de paiement, est déterminée par rapport aux sommes restant dues par l’entrepreneur principal au sous-traitant, peu importe que les travaux aient été acceptés par le maître de l’ouvrage, dès lors qu’ils ont été confiés au sous-traitant pour l’exécution du marché principal (Cass. 3e civ. 7‑3‑2024 n° 22-23.309) .
Sous-traitance et absence de caution
En présence d’un agrément… Quand le maître de l’ouvrage a agréé et accepté les conditions de paiement du sous-traitant, il doit exiger de l’entrepreneur principal qui ne l’a pas délégué dans le paiement qu’il fournisse une caution (loi 75-1334 du 31‑12‑1975 art. 14-1, al. 3) . À défaut, il engage sa responsabilité extracontractuelle (C. civ. art. 1240) . Cette responsabilité l’oblige pour toutes les conséquences de la faute commise. Le sous-traitant ayant été missionné par l’entrepreneur principal, le préjudice subi au titre des travaux supplémentaires impayés était une conséquence du manquement du maître de l’ouvrage justifiant l’indemnisation, sans qu’il fût nécessaire que le maître de l’ouvrage les ait autorisés ou acceptés. En l’espèce, c’étaient donc toutes les sommes dues au sous-traitant qui entraient dans l’indemnisation.
À défaut de présentation… Cette situation doit être distinguée de celle du maître d’ouvrage qui a connaissance de l’existence d’un sous-traitant sur le chantier et qui manque à son obligation de mettre en demeure l’entrepreneur principal de le lui présenter. Dans ce cas, le préjudice du sous-traitant, privé d’action directe en paiement contre le maître de l’ouvrage, est à la mesure de ce que cette action lui aurait permis de recouvrer, c.-à -d. les sommes que le maître de l’ouvrage restait devoir à l’entrepreneur principal au jour où il a eu connaissance de la présence du sous-traitant, ou les sommes qui ont été versées à l’entrepreneur après cette date.