Régime Régime D Régime de la cotitularité légale des époux pour un bail d’habitation : des précisions jurisprudentielles
Cotitularité légale du bail : en bref
En droit. L’article 1751 al. 1 du Code civil dispose que le droit au bail d’un logement, qui «sert effectivement à l’habitation de deux époux, quel que soit leur régime matrimonial (...) et même si le bail a été conclu avant le mariage, (...) est réputé appartenir à l’un et à l’autre des époux» .
En pratique. La loi assure ainsi une protection spécifique au conjoint d’un locataire qui a signé seul un bail d’habitation, avant/après le mariage, pour un logement servant à l’habitation des époux. Ce conjoint est légalement considéré comme cotitulaire du bail (et tenu à ce titre au paiement des loyers). Cette cotitularité dite légale du bail, d’ordre public, joue jusqu’à transcription du jugement de divorce du couple à l’état civil (Cass. 3e civ. 31‑5‑2006 n° 04-16920 et 22‑10‑2015 n° 14-23726) . La Cour de cassation a rappelé que la séparation de fait des époux, ou une autorisation judiciaire de résider séparément, ne «remet pas en cause la cotitularité du bail portant sur le logement qui a servi effectivement à leur habitation commune»(Cass. 3e civ. 4‑7‑2024 n° 22-24856) .
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Du côté du bailleur
Une précision à intégrer. Pour réclamer à bon droit en justice au conjoint d’un locataire (ayant signé seul le bail) le paiement de loyers impayés, la Cour de cassation a précisé que le bailleur peut établir que le logement «servait effectivement à l’habitation des deux époux ou, pour le moins, que le bail avait été souscrit pour l’entretien du ménage»(Cass. 1e civ. 12‑6‑2024 n° 22-17231). La charge de la preuve pèse sur le bailleur.
En pratique. À défaut de pouvoir justifier de la cotitularité légale du bail, un bailleur peut ainsi se prévaloir de la solidarité légale des conjoints prévue par l’article 220 du Code civil au titre des dettes contractées pour l’entretien du ménage ou l’éducation de leurs enfants. Pour les loyers, la solidarité «art. 220» joue jusqu’au transcription d’un divorce (ex. : CA Rouen 4‑7‑2024 RG 24/00472 Portalis DBV2-V-B7I-JSIQ) . Notons qu’en cas de mariage à l’étranger, sauf convention internationale contraire, l’article 220 du Code civil a vocation à jouer si les époux résidaient tous deux en France pendant la période couverte par le bail ayant donné lieu à des impayés (arrêt n° 22-17231 précité) .
Du côté de l’époux cotitulaire du bail
En cas de décès du signataire du bail… Le conjoint survivant, s’il peut se prévaloir de la cotitularité légale du bail, dispose d’un droit exclusif sur le logement, sauf s’il y renonce expressément (C. civ. art. 1751 al. 3) . Il a été jugé que ce droit exclusif privait les héritiers du défunt, vivant dans les lieux au moment du décès, de tout droit locatif (Cass. 3e civ. 28‑6‑2018 n° 17-20409) . En pratique, ceci prive les proches du défunt (descendants…), qui vivaient avec lui, de demander le transfert du bail à leur profit au titre de l’article 14 de la loi du 6 juin 1989.
Une précision à intégrer… Par arrêt de principe, la Cour de cassation a souligné que le conjoint survivant «peut renoncer expressément à l’exclusivité de son droit au bail pour permettre, le cas échéant, aux personnes» pouvant bénéficier du transfert du bail de «bénéficier de droits concurrents aux siens sur le bail» . Cette renonciation «ne peut cependant porter que sur l’exclusivité du droit au bail et ne peut permettre au conjoint survivant, à défaut de congé valablement délivré par lui, de mettre fin au droit au bail dont il est titulaire»(Cass. 3e civ. 4‑7‑2024 n° 22-24856) . Au vu de l’arrêt, un bailleur peut à ce titre se retourner à bon droit contre le conjoint survivant pour lui réclamer des loyers impayés si, comme en l’espèce, il a quitté le logement sans délivrer un congé en bon ordre.
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