Escroquerie « au président » : la banque responsable ?
Escroquerie au président ? Le fraudeur contacte, par courriel ou téléphone, le service comptable d’une entreprise, en se faisant passer pour le président de la société mère. Après quelques échanges destinés à instaurer la confiance, il demande que soit réalisé un virement international non planifié, au caractère urgent et confidentiel. Le comptable sollicité s’exécute, après avoir reçu les références du compte étranger à créditer.
Les faits
Une banque exécute plusieurs ordres de virement émanant d’une société cliente au profit d’entreprises chinoises, pour un montant de 850 000 €.
La société lui réclame ensuite la restitution des fonds virés, faisant valoir que les virements, comportant une fausse signature et accompagnés de factures falsifiées, avaient été établis en l’absence du dirigeant par une préposée, victime d’une escroquerie dite « au président ».
La décision
Le juge constate qu’il résultait des éléments suivants que les ordres de virement ne comportaient aucune anomalie apparente qui aurait obligé la banque à procéder à des vérifications particulières : ils avaient été établis sur du papier à en-tête de la société, transmis à la banque par une préposée de la société, attachée de direction, qui était l’interlocutrice habituelle de l’établissement ; le montant unitaire de ces ordres, accompagnés chacun d’une facture du fournisseur de nature à établir la régularité de l’opération, ne présentait aucun caractère inhabituel et, même si leur montant cumulé l’était, il ne dépassait pas les capacités de la société ; la signature du dirigeant dont les ordres de virement étaient revêtus ne présentait aucune différence significative par rapport à celle apposée sur la carte nationale d’identité dont une copie était détenue par la banque, l’ancienneté de ce document étant sans incidence sur la pertinence de la vérification ainsi effectuée.
Il décide donc que la cause exclusive du dommage subi par la société résultait de la faute commise par sa préposée qui, après avoir recueilli dans des conditions suspectes la signature du dirigeant, avait transmis à la banque les ordres de virement en y joignant des factures établies pour les besoins de la cause, qu’elle savait fausses. La demande de la société est donc rejetée (Cass. com. 2‑5‑2024 n° 22-18.454) .
Responsabilité de la banque
Faute de la société : une responsabilité de la banque uniquement si… Cette décision, sévère pour l’entreprise victime de l’escroquerie, s’inscrit dans une jurisprudence bien établie. Si l’établissement d’un faux ordre de virement a été rendu possible à la suite d’une faute du titulaire du compte ou de l’un de ses préposés, la banque n’est tenue envers lui que si elle a elle-même commis une négligence, p.ex. en ne décelant pas une signature apparemment différente de celle du titulaire du compte, et ce, seulement pour la part de responsabilité en résultant (Cass. com. 10‑10‑2000 n° 98-10.831 ; Cass. com. 8‑11‑2005 n° 03-20.402 ; Cass. com. 31‑1‑2017 n° 15-17.498) .
Conseil. Compte tenu de la multiplication des escroqueries de ce type, la DGCCRF recommande aux entreprises de sensibiliser leur personnel à celles-ci, d’instaurer des procédures de vérification et de signatures multiples pour les paiements internationaux et d’accentuer la vigilance sur les périodes de congés, les jours fériés, les vendredis soir et les week-ends.