Bail commercial : pas de taxe foncière à payer en l’absence d’inventaire des charges !
Les faits
Un bailleur de locaux commerciaux a fait délivrer à son locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire et portant notamment sur les charges qu’il estimait dues par le locataire ; il invoquait à cette fin diverses clauses du bail, qui organisaient la répartition des charges.
Le locataire refuse de payer, aucun inventaire précis des charges ne figurant dans le bail.
La décision
Le juge relève qu’une clause du bail mettait l’obligation d’entretien à la charge du locataire, sans préciser quelles charges pourraient donner lieu à refacturation par le bailleur au locataire à ce titre. Une autre clause se bornait à rappeler les dispositions légales d’ordre public selon lesquelles le bailleur ne peut pas refacturer les grosses réparations au locataire ; une troisième se contentait de rappeler que le locataire doit prendre en charge la surveillance et l’entretien des lieux loués. Les travaux incombant au locataire ou les dépenses qu’il était tenu d’assumer pour l’exploitation du local conformément à ces clauses ne pouvaient pas être qualifiés de charges locatives, dès lors qu’ils n’étaient pas dus au bailleur lui-même.
Il relève également que la clause du bail intitulée « Impôts et taxes » prévoyait le remboursement par le locataire de diverses taxes (notamment la taxe foncière et les taxes d’enlèvement des ordures ménagères ou de déversement au tout-à-l’égout). Cette clause contournait l’exigence d’inventaire des charges édictée par l’article L 145‑40‑2 du Code de commerce, texte d’ordre public ; ayant pour effet d’y faire échec au sens de l’article L 145-15, elle devait par conséquent être réputée non écrite.
Il décide donc que le bailleur ne pouvait pas prétendre à des charges récupérables sur le locataire (CA Versailles 7‑3‑2024 n° 22/05759) .
L’inventaire des charges
L’obligation d’un inventaire précis et limitatif. Tout contrat de bail commercial doit comporter un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire (C. com. art. L 145‑40‑2, al. 1er) . Toute clause ayant pour effet de faire échec à ces dispositions est réputée non écrite (art. L 145-15) .
Une liste exhaustive. Le contrat de bail doit-il comporter une liste exhaustive des charges ? À ce sujet, la Cour d’appel de Bordeaux avait déjà jugé que ne constituait pas un inventaire précis et limitatif au sens de ce texte l’énumération des catégories de charges incombant au seul locataire, dès lors qu’elle ne comportait aucune précision quant à la répartition, par catégories de charges, entre le locataire et le bailleur, aucune clé de répartition entre les différents locataires de l’immeuble et aucune indication explicite de la quote-part du locataire ; pour la Cour, une telle énumération n’était pas susceptible de permettre au locataire d’avoir une visibilité dès la date de conclusion du bail sur les charges qu’il devrait assumer (CA Bordeaux 2‑3‑2022 n° 18/04413) .
Un formalisme interprété strictement. La présente décision va plus loin : la présence de l’inventaire s’entend strictement. L’existence de clauses prévoyant la répartition des charges entre le bailleur et le locataire n’en pallie pas l’absence.