Refus d’un passage d’un horaire de nuit à un horaire de jour en raison d’obligations familiales impérieuses
Changement des horaires de travail
Pouvoir de direction. En raison de son pouvoir de direction, l’employeur peut modifier un élément non déterminant du contrat de travail du salarié, sans son accord. Cette modification constitue un simple changement des conditions de travail que le salarié ne peut pas, en principe, refuser. Le refus par le salarié d’un simple changement de ses conditions de travail constitue une faute pouvant justifier un licenciement disciplinaire (Cass. soc. 10‑10‑200 n° 98-41358) .
Modification de l’horaire de travail. L’employeur peut ainsi imposer au salarié une nouvelle répartition de ses horaires de travail au sein de la journée ou de la semaine, à condition que ce changement n’entraîne aucune modification d’un élément essentiel de son contrat de travail, comme sa durée du travail ou sa rémunération contractuelle. Cependant, l’employeur ne peut pas modifier, sans l’accord du salarié, ses horaires de travail lorsqu’ils ont été contractualisés (Cass. soc. 11‑7‑2001 n° 99-42710) ou qu’ils ont été déterminants lors de l’embauche du salarié, p.ex. en raison de sa situation personnelle. Par ailleurs, le changement d’horaires de travail ne doit pas porter une atteinte excessive au droit du salarié à sa vie personnelle et familiale et à son droit au repos (Cass. soc. 3‑11‑2011 n° 10-14702) . En voici une récente illustration.
Modifier un horaire de nuit en horaire de jour
Illustration. Un salarié engagé en qualité d’agent des services de sécurité incendie exécutait ses fonctions de nuit. Selon la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, les salariés de cette branche assurent un service indistinctement soit de jour, soit de nuit, soit alternativement de nuit ou de jour. Selon l’employeur, il s’agit là d’une modalité normale de l’exercice de leurs fonctions. Le salarié a refusé trois affectations pour un service de jour en invoquant la nécessité d’une présence de jour auprès de son enfant handicapé. Face aux refus du salarié, l’employeur l’a licencié pour faute grave. Le salarié a contesté le bien-fondé de son licenciement. Pour justifier le licenciement, l’employeur a fait valoir que les contraintes personnelles du salarié ne sont pas positivement opposables à l’employeur. En appel, les juges ont donné raison au salarié et ont déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse, reprochant à l’employeur de ne pas avoir recherché un poste de travail de nuit et d’avoir violé le droit au respect de la vie privée et familiale du salarié. Les juges ont constaté que le salarié produisait la notification du versement de l’allocation d’éducation spécialisée pour sa fille âgée de sept ans et handicapée à 80 %, pour laquelle la maison départementale des personnes handicapées avait reconnu la prise en charge par les parents d’au moins 20 % des activités de l’enfant par une adaptation des horaires de travail, et justifiait d’un motif lié au respect de la vie personnelle et familiale nécessitant un maintien de ses horaires de nuit. Par ailleurs, l’entreprise n’a pas justifié le fait qu’elle ne disposait pas de poste de nuit.
Refus du salarié non fautif. La Cour de cassation a approuvé l’analyse des juges. Elle a déclaré qu’il ressortait des constatations des juges que le passage d’un horaire de nuit à un horaire de jour portait une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale et était incompatible avec les obligations familiales impérieuses. Le refus du salarié ne constituait pas une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc. 29‑5‑2024 n° 22-21814) .