Bail commercial : quelle indemnisation peut demander un bailleur à la sortie du locataire pour la remise en état ?
Les décisions : en droit
Les décisions : en bref. Il s’agit de trois arrêts rendus le 27‑6‑2024 par la Cour de cassation, suivant une motivation identique (Cass. 3e civ. 27‑6‑2024 n° 22-24502 n° 22-21272 et n° 22-10298) . Ces arrêts ont eu les faveurs d’une publication officielle, mais aussi d’un commentaire dans une lettre d’information trimestrielle (Cass. 3e civ. lettre d’information n° 14 juillet 2024 p. 8). En droit, au vu des arrêts, quatre règles sont à prendre en compte.
Règle 1. Un locataire qui «restitue les locaux dans un état non conforme à ses obligations découlant de la loi ou du contrat commet un manquement contractuel et doit réparer le préjudice éventuellement subi de ce chef par le bailleur ».
Règle 2. Pour prétendre à indemnisation, il revient au bailleur de rapporter la preuve d’un préjudice (arrêt n° 22-10298) . Le bailleur ne bénéficie donc pas d’une «présomption de préjudice»(lettre) . Son droit à indemnisation n’est pas automatique.
Règle 3. Le préjudice du bailleur «peut comprendre le coût de la remise en état des locaux, sans que son indemnisation ne soit subordonnée à l’exécution des réparations ou à l’engagement effectif de dépenses» .
Règle 4. En cas de contentieux, le juge est tenu d’évaluer le préjudice indemnisable du bailleur à la date à laquelle il statue. Le juge doit prendre en compte, sous réserve qu’elles soient invoquées par le locataire, les «circonstances postérieures à la libération des locaux, telles la relocation, la vente ou la démolition» . Pour s’opposer à bon droit à une demande indemnitaire, là où un bailleur n’a pas effectué des travaux de remise en état, un locataire peut invoquer la relocation rapide des locaux à des conditions plus favorables (arrêt n° 22-24502) . Le locataire peut aussi se prévaloir d’une revente rapide des locaux sans dévalorisation/dépréciation du prix de vente en lien avec les manquements du locataire (arrêts nos 22-21272 et 22-10298) .
Les décisions : en pratique
Pour prétendre à indemnisation… Un bailleur doit pouvoir justifier des manquements du locataire (dégradations, réparations à sa charge non effectuées…). À cet égard, un bailleur doit veiller à (faire) dresser un état des lieux de sortie - EDLS (C. com. art. L 145‑40‑1) . Si l’EDLS ne peut être établi à l’amiable, il convient de faire appel à un commissaire de justice pour dresser un PV de constat (à frais partagés par moitié bailleur/locataire).
Ce qu’il faut pouvoir justifier… Un bailleur n’est donc pas tenu, en principe, de justifier de la réalisation des travaux de réparation (des devis peuvent suffire). Toutefois, s’il se lance dans un procès en indemnisation, un bailleur verra sa tâche facilitée s’il peut justifier de leur réalisation effective (factures…) avant que le juge ne se prononce. Le bailleur pourra alors aussi prétendre à une indemnité spécifique dite d’immobilisation pour le temps consacré à la réalisation des travaux.
En cas de relocation. S’il ne peut justifier avoir lui-même fait réaliser les travaux de remise en état, un bailleur doit pouvoir justifier d’un préjudice effectif, car son indemnisation doit «intervenir sans perte ni profit»(lettre) . Il peut s’agir d’un «manque à gagner» : loyer du nouveau locataire revu à la baisse, relocation à des conditions moins avantageuses. Le bailleur peut aussi se prévaloir d’une franchise de loyer accordée au nouveau locataire pour effectuer les travaux de réparation.
En cas de vente. Faute de pouvoir justifier de la réalisation effective des travaux de remise en état avant la vente, un bailleur doit pouvoir justifier d’un prix de vente «déprécié» (au vu du marché).
Conseil. Cette jurisprudence pourrait être transposée en matière de bail professionnel, mais aussi pour un bail d’habitation.
Notice sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 20, n° 11.