FAMILLE & TRANSMISSION - 04.07.2024

Exonération « Dutreil-transmission » : de nouvelles précisions administratives, les dernières modifications législatives intégrées

L'administration modifie ses commentaires doctrinaux afin d'intégrer les dispositions de la loi de finances pour 2024 et de la loi de finances rectificative pour 2022, ainsi que des solutions jurisprudentielles. Par ailleurs, elle apporte certaines précisions inédites (BOI-ENR-DMTG-10‑20‑40-10 et BOI-ENR-DMTG-10‑20‑40-40 du 30‑5‑2024) .

Quelques rappels préliminaires

Les transmissions par décès et les donations de parts ou actions de sociétés ayant fait l'objet d'un engagement de conservation sont, sous certaines conditions, exonérées de droits de mutation à titre gratuit à concurrence des 3/4 de leur valeur (CGI art. 787 B) . Il en va de même des transmissions de biens affectés à l'exploitation d'une entreprise individuelle (CGI art. 787 C) . Ce dispositif, dit « Dutreil- transmission », est subordonné entre autres conditions à l'exercice d'une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

D'une part, la loi de finances pour 2024 (Loi 2023-1322 du 29‑12‑2023) a :

  • défini les activités commerciales éligibles au régime Dutreil ;
  • inscrit dans la loi l'éligibilité des entreprises exerçant une activité mixte ;
  • et confirmé l'application du dispositif aux holdings animatrices de leur groupe tout en les définissant.

Ces dispositions sont applicables aux transmissions intervenues depuis le 17 octobre 2023.

D'autre part, la loi de finances rectificative pour 2022 (loi 2022-1157 du 16‑8‑2022) a légalisé la doctrine administrative exigeant le maintien de l'exercice des activités éligibles durant une certaine durée (à compter de la conclusion de l'engagement collectif ou unilatéral de conservation et jusqu'au terme de l'engagement individuel de conservation), maintien qui avait été infirmé par la Cour de cassation dans un arrêt du 25 mai 2022.

Transmission de parts ou actions de sociétés

Cas des sociétés holdings

La loi de finances pour 2024 a inscrit dans la loi l'éligibilité au régime Dutreil des holdings animatrices. L'article 787 B, alinéa 2 du CGI en donne la définition suivante : société qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe constitué de sociétés contrôlées directement ou indirectement, exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, et auxquelles elle rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.

L'administration indique que, au sens de cette définition, le contrôle de la holding sur ses filiales pour lui permettre de conduire la politique du groupe s'apprécie au regard, d'une part, du pourcentage de capital détenu et des droits de vote et, d'autre part, de la structure de l'actionnariat, et non des dispositions de l'article L 233-3 du Code de commerce (BOI-ENR-DMTG-10‑20‑40-10 n° 55) .

À noter

Cette définition du contrôle reprend la terminologie utilisée dans la réponse Frassa (Sén. 1‑12‑2016 n° 17351) . Cette réponse ministérielle semble admettre une conception ouverte de la notion de contrôle qui n'impliquerait pas nécessairement une majorité des droits de vote.

L'administration considère qu'il n'y a pas lieu de se référer à la notion de contrôle définie à l'article L 233-3 du Code de commerce.

L'administration étoffe ses commentaires sur les éléments à prendre en considération pour déterminer la prépondérance de l'activité d'animation et explicite le critère des immeubles (BOI précité n° 55) .

Pour énumérer les éléments pouvant être retenus pour apprécier le caractère principal de l'activité d'animation de groupe d'une société holding, l'administration reprend, sans la citer, la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. com. 11‑10‑2023 n° 21-24.760 F-D, 21-24.761 F-D, 21-24.762 F-D, 21-24.763 F-D) . Ce caractère doit être retenu notamment lorsque la valeur vénale des actifs affectés à son activité d'animation de groupe, parmi lesquels les titres de ses filiales animées exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, les biens mis à leur disposition ou affectés aux prestations de service délivrées au sein du groupe et la trésorerie affectée à l'activité du groupe, représente plus de la moitié de son actif total.

À cet égard, l'administration admet de retenir comme étant affectée à l'activité d'animation de la holding la valeur vénale des immeubles ou parties d'immeubles :

  • qu'elle détient (ou la fraction de la valeur vénale des titres qu'elle détient dans une filiale foncière qu'elle contrôle, représentative des immeubles ou parties d'immeuble) ;
  • et qui sont donnés en location exclusivement pour l'exercice de l'activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale d'une filiale animée du groupe.

En revanche, sont exclus les immeubles ou parties d'immeuble loués à une société non contrôlée du groupe ou qui n'exerce pas une activité opérationnelle, ou encore à une société tierce.

À noter

L'administration illustre l'hypothèse d'un immeuble détenu via une filiale foncière.

Dans le cas où une holding détiendrait à 100 % une société civile immobilière (SCI) qui donne en location un immeuble à une société du groupe contrôlée et animée pour l'exploitation de l'activité industrielle de cette société, dont la holding détient 80 %, la fraction de la valeur vénale des parts de la SCI représentative de l'immeuble loué est retenue à hauteur de 100 % et non de 80 %.

Conclusion d'un engagement collectif après le décès

À l'instar de la solution admise dans le cas d'un engagement souscrit avant la transmission, l'administration précise que les parts ou actions détenues au décès par une société interposée dans une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale peuvent faire l'objet d'un engagement collectif de conservation conclu par ladite société interposée avec d'autres associés dans les 6 mois du décès(BOI précité n° 220) .

Transmission d'une entreprise individuelle

Biens concernés

L'administration reprend le principe dégagé par la Cour de cassation dans son arrêt du 9 février 2022 n° 20-10.753, selon lequel l'inscription des biens meubles et immeubles, corporels ou incorporels au bilan, ou leur mention sur le document en tenant lieu, en font présumer le caractère affecté à l'exploitation de l'entreprise, l'administration ayant la faculté de rapporter la preuve qu'ils ne sont pas nécessairement et effectivement affectés à celle-ci (BOI-ENR-DMTG-10‑20‑40-40 n° 10) .

Elle supprime en conséquence ses commentaires indiquant que les biens affectés à l'exploitation sont les biens nécessaires à l'exercice de la profession, indépendamment de leur inscription à l'actif du bilan de l'entreprise.

L'exonération partielle ne s'applique pas à un fonds de commerce donné en location-gérance à une société d'exploitation. L'administration admet, en revanche, que l'exonération s'applique, toutes autres conditions satisfaites, lors de la transmission du fonds de commerce préalablement donné en location-gérance à l'un de ses héritiers, donataires ou légataires(BOI précité n° 15) .

Poursuite de l'exploitation de l'entreprise par l'un des héritiers ou donataires

L'un des héritiers, donataires ou légataires doit effectivement poursuivre, pendant les 3 années qui suivent la date de la transmission, l'exploitation de l'entreprise (CGI art. 787 C, c) . L'administration supprime ses commentaires relatifs à l'exigence que le bénéficiaire de la transmission exerce à titre habituel et principal son activité au sein de l'entreprise (BOI précité n° 90) .

  • L'administration intègre donc les récentes modifications législatives, sans apport doctrinal. Indépendamment de la prise en compte de ces mesures légales, elle délivre des précisions nouvelles et supprime certains commentaires ; ce sont sur ces aspects que nous nous sommes attardés ci-dessus.
  • Signalons que les commentaires relatifs à la transmission des entreprises individuelles (BOI-ENR-DMTG-10‑20‑40-40) sont modifiés pour la première fois depuis leur mise en ligne dans le cadre de la consultation publique du 6 avril 2021.

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