BÂTIMENT - MARCHÉS PRIVÉS - 01.07.2024

Réalisation d’un ouvrage neuf sur un ouvrage existant : les désordres après réception sur l’existant sont-ils assurés ?

En matière de marchés privés de travaux, la Cour de cassation a rendu le 30‑5‑2024 un important arrêt sur la couverture assurantielle après réception pour des désordres causés à un ouvrage existant après la réalisation d’un nouvel ouvrage. Leçon à tirer ?

Pour l’assurance DO et RCD…

Assurance RCD. Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée au titre de l’article 1792 du Code civil, doit disposer d’une assurance en responsabilité civile décennale – RCD (C. ass. art. L 241-1) . Celui qui fait réaliser un ouvrage pour le compte d’autrui doit aussi être couvert par une assurance RCD/CNR afin de garantir les dommages relevant de l’article 1792 du Code civil et résultant de son fait (C. ass. art. L 241-2) .

Assurance DO. Tout maître d’ouvrage (MO), qui fait réaliser des travaux concernés pour son compte, doit souscrire une assurance dite dommages-ouvrage – DO (C. ass. art. L 242-1) .

En présence d’un ouvrage existant…

Ce qui doit ou non être assuré. L’article L. 243‑1‑1 (II) du Code des assurances dispose que les obligations d’assurance DO/RCD «ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l’ouverture du chantier, à l’exception de ceux qui, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles» . À ce titre, il a été jugé que «les dommages causés par répercussion à l’ouvrage existant ne relevaient de l’obligation d’assurance» en RCD «que si cet ouvrage était totalement incorporé à l’ouvrage neuf et en devenait techniquement indivisible»(Cass. 3e civ. 25‑6‑2020 n° 19-15153) .

En cas de sinistre. En matière d’assurance DO, la garantie de l’assureur «couvre le coût de l’ensemble des travaux afférents à la remise en état des ouvrages ou éléments d’équipement de l’opération de construction endommagés à la suite d’un sinistre, ainsi que des ouvrages existants, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf et qui en deviennent techniquement indivisibles»(C. ass. art. 243-1 annexe II) . Un assureur RCD doit garantir le paiement des travaux de réparation de l’ouvrage neuf réalisé ainsi que «des ouvrages existants, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf et qui en deviennent techniquement indivisibles»(C. ass. art. 243-1 annexe I et III) .

Une décision à intégrer…

L’affaire. Un couple fait réaliser par une société des travaux de remplacement des tuiles de la couverture de sa maison. Après réception, le couple subit une déformation du rampant de la toiture. La solidité de la charpente préexistante aux travaux est gravement affectée en raison d’une résistance insuffisante ne lui permettant pas de supporter la charge provenant des nouvelles tuiles. La Cour d’appel saisie du litige condamne l’assureur RCD de la société à prendre en charge le coût de réparation de la charpente, en jugeant que la couverture installée forme avec elle un tout indivisible pour constituer la toiture, de sorte que l’assurance RCD doit s’appliquer.

La décision. Appelée à se prononcer, la Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel, en posant les règles (inédites) suivantes. L’assurance obligatoire (RCD/DO) «ne garantit les dommages à l’ouvrage existant provoqués par la construction d’un ouvrage neuf que dans le cas d’une indivisibilité technique des deux ouvrages et si celle-ci procède de l’incorporation totale de l’existant dans le neuf» . Les deux conditions posées sont cumulatives. Ainsi, des dommages «subis par l’ouvrage existant ne sont pas garantis lorsque c’est l’ouvrage neuf qui vient s’y incorporer» . En l’espèce, la Cour de cassation a censuré le raisonnement de la Cour d’appel, au motif qu’il ne «caractérisait pas en quoi l’ouvrage existant s’incorporait totalement dans l’ouvrage neuf, ni en quoi ils étaient techniquement indivisibles»(Cass. 3e civ. 30‑5‑2024 n° 22-20711) .

L’assurance dommages-ouvrage (et RCD) ne garantit les dommages subis par un ouvrage existant, provoqués par la construction d’un ouvrage neuf, que dans le cas d’une indivisibilité technique des ouvrages, et si celle-ci procède de l’incorporation totale de l’ouvrage existant dans le neuf. Les deux conditions sont cumulatives.

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