BÂTIMENT - GARANTIES LÉGALES - 02.05.2024

Désordres liés à des éléments d’équipements installés sur un ouvrage existant : un «revirement» de jurisprudence !

La Cour de cassation a opéré le 21‑3‑2024 un «revirement» de jurisprudence pour le régime juridique applicable en cas de désordres liés à des éléments d’équipements installés sur un ouvrage déjà existant (marchés privés). Explications...

Pour des éléments d’équipements...

Ce qui était jugé... jusqu’ici. Depuis des arrêts de 2017, la Cour de cassation a considéré que les «désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant» , relevaient de la responsabilité décennale (C. civ. art. 1792) , lorsqu’ils rendaient «l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination»(Cass. 3e civ. 15‑6‑2017 n° 16-19640 et 14‑9‑2017 n° 16-17.323) . Ainsi, la responsabilité décennale avait vocation à jouer pour tout élément d’équipement installé dans le cadre de travaux sur existant. La Cour de cassation a aussi jugé qu’un assureur en responsabilité décennale (RCD) devait sa garantie, en présence d’un «élément d’équipement installé sur existant» , pour des désordres affectant l’élément qui «rendaient l’ouvrage, dans son ensemble, impropre à sa destination»(Cass. 3e civ. 26‑10‑2017 n° 16-18120) .

Justification ? Pour la Cour de cassation, cette jurisprudence avait notamment un objectif de simplification, en ne distinguant plus selon qu’un élément d’équipement était d’origine ou seulement adjoint à l’existant, lorsque les dommages l’affectant rendaient un ouvrage en lui-même impropre à sa destination. La jurisprudence visait en outre à assurer une meilleure protection des maîtres d’ouvrage pour des travaux de rénovation ou d’amélioration d’immeubles d’habitation existants (Cass. 3e civ. lettre d’information n° 13 - mars 2024) .

Une nouvelle jurisprudence à intégrer

Après les nuances... Comme expliqué dans un conseil («Responsabilité décennale et éléments d’équipement» Septembre 2022), la Cour de cassation a précisé que, s’agissant des «éléments adjoints à l’existant» , sa jurisprudence de 2017 ne s’appliquait que pour des désordres trouvant « leur siège dans un élément d’équipement au sens de l’article 1792-3 du Code civil, c’est-à-dire un élément destiné à fonctionner» . Elle a aussi jugé que des désordres, « quel que soit leur degré de gravité, affectant un élément non destiné à fonctionner, adjoint à l’existant», relevaient «exclusivement de la responsabilité contractuelle de droit commun» du (réputé) constructeur (Cass. 3e civ. 13‑7‑2022 n° 19-20231) .

Un «revirement»... Par un arrêt de principe, rédigé avec une motivation très détaillée, la Cour de cassation a décidé d’inverser sa jurisprudence de 2017 (Cass. 3e civ. 21‑3‑2024 n° 22-18694) . En droit, on parle de «revirement» de jurisprudence. Désormais, la Cour de cassation considère «que, si les éléments d’équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l’assurance obligatoire des constructeurs»(arrêt point 18) . La Cour de cassation a précisé que cette «jurisprudence nouvelle» s’applique à toute procédure (déjà) en cours au 21‑3‑2024 (point 19) .

En attendant la réforme...

Pour l’exclusion légale... L’article 1792-7 du Code civil précise que ne sont pas considérés comme des éléments d’équipement d’un ouvrage, au titre des garanties légales, les éléments «dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage» .

Une réforme prévue... L’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux a prévu de compléter l’article 1792-7 du Code civil, pour y préciser que ne sont pas (également) considérés comme des éléments d’équipement d’un ouvrage les « éléments d’équipement installés sur existant»(avant-projet de réforme commenté p. 98) .

Arrêt du 21‑3‑2024 sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 24, n° 5.

Si un élément d’équipement installé en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constitue pas en lui-même un ouvrage, des désordres affectant cet élément ne relèvent plus ni de la garantie décennale ni de la garantie de bon fonctionnement, quel que soit leur degré de gravité.


Pour aller plus loin


Contact

Éditions Francis Lefebvre | 42 Rue de Villiers, CS50002 | 92532 Levallois Perret Cedex

Tél. : 03 28 04 34 10 | Fax : 03 28 04 34 11

service.clients.pme@efl.fr | pme.efl.fr

SAS au capital de 241 608 € • Siren : 414 740 852
RCS Nanterre • N°TVA : FR 764 147 408 52 • APE : 5814 Z