FAMILLE & TRANSMISSION - 10.06.2024

Quand un chèque de 200 000 € pour départ à la retraite d'un collaborateur n'est pas un présent d'usage exonéré, mais un don manuel imposable

Un chèque de 200 000 € offert par un ancien dirigeant à un salarié 2 ans avant son départ à la retraite n'est pas un présent d'usage mais un don manuel taxable en l'absence de corrélation entre la remise du chèque et le départ à la retraite du gratifié (CA Paris 22‑4‑2024 n° 22/12420) .

Les circonstances de l'affaire

Le collaborateur d'un grand groupe informatique reçoit en avril 2015 un chèque de 200 000 € de la part de l'ancien vice-président de la société. Considérant qu'il s'agit d'un cadeau personnel et amical reçu à l'occasion de son prochain départ à la retraite donc d'un présent d'usage, le collaborateur ne le déclare pas ni ne le soumet aux droits de mutation à titre gratuit.

Estimant qu'il s'agit d'un don manuel, l'administration fiscale taxe d'office cette libéralité et réclame, notamment, au contribuable la somme de 120 000 € en droits de donation (imposition entre non-parents au taux de 60 %).

À noter

L'administration applique également des intérêts de retard et une majoration de 40 % des droits pour absence de dépôt d'une déclaration de don manuel après mise en demeure.

La décision de la cour d'appel

La cour d'appel se range aux arguments de l'administration fiscale au visa de l'article 852 du Code civil qui dispose que l e caractère de présent d'usage s'apprécie à la date où il est consenti, et compte tenu de la fortune du disposant.

La preuve d'une corrélation entre la remise du chèque et le départ à la retraite du gratifié n'est aucunement caractérisée et les conditions relatives au présent d'usage ne sont pas réunies au regard des éléments suivants :

  • un délai de 22 mois s'est écoulé entre les deux événements ;
  • il n'est pas justifié qu'à la date de remise du chèque le gratifié avait décidé de faire valoir ses droits à la retraite ;
  • une attestation du secrétaire général de la société est insuffisante à établir qu'il était d'usage pour le disposant de remettre des cadeaux dans de telles circonstances ;
  • il ne peut pas être déduit du décès du disposant en 2016 que celui-ci avait souhaité anticiper la remise de ce chèque en avril 2015 par crainte de ne plus pouvoir y procéder ultérieurement compte tenu de son état de santé.

L'opération qualifiée de don manuel doit donc effectgivement être soumise aux droits de mutation à titre gratuit.

À noter

Les juges accordent toutefois la décharge de la majoration de 40 %, estimant que le gratifié a pu de bonne foi considérer qu-'il n'avait pas à procéder à une déclaration portant sur une somme qu'il estimait exempte de droits.

  • La qualification de présent d'usage suppose que le cadeau soit effectué à l'occasion d'un événement conformément à l'usage, d'une part, et que la valeur de ce cadeau soit raisonnablement proportionnée au patrimoine du disposant au jour du présent, d'autre part (BOI-ENR-DMTG-20‑10‑20-10 n° 260) .
  • Dans l'affaire commentée, le contribuable revendiquait l'existence d'un usage d'offrir un cadeau de départ à la retraite à un collaborateur et ami.
  • Il considérait par ailleurs que la somme qu'il avait reçue était proportionnée à la situation financière du disposant dès lors qu'elle représentait moins de 0,1 % de la fortune de celui-ci.
  • Enfin, il justifiait le délai écoulé entre la remise du chèque et son départ effectif à la retraite par la demande du disposant de reporter son départ en retraite initialement prévu pour la fin de l'année 2015 afin d'assurer la transition avec son remplaçant.

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