RUPTURE DU CONTRAT - NON-CONCURRENCE - 21.06.2024

Non-concurrence : une clause violée, mais nulle

Quelles conséquences sur l’indemnité de non-concurrence lorsqu’une clause est finalement nulle, mais que le salarié ne l’a pas respectée ?

Rappels

Lorsqu’une clause de non-concurrence est annulée, le salarié qui l’a respectée peut prétendre à une indemnité en réparation du fait que l’employeur lui a imposé une clause nulle portant atteinte à sa liberté d’exercer une activité professionnelle (Cass. soc. 17‑11‑2010 n° 09-42.389) . L’employeur ne peut donc pas demander le remboursement de la contrepartie financière de l’obligation de non-concurrence qui a été respectée.

À savoir. L’octroi au salarié d’une indemnité en réparation du préjudice subi se fonde sur le principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle et sur l’interdiction d’apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne sont pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché (C. trav. art. L 1121-1) .

L’affaire en cause

Le contexte. Un salarié avait une clause de non-concurrence de 1 an, sur l’ensemble du territoire français. Après sa démission, l’employeur demande la constatation de la violation de la clause et le remboursement de l’indemnité de non-concurrence perçue par le salarié pendant la période où il n’a pas respecté la clause, mais les juges d’appel annulent la clause et lui refusent le remboursement.

Sur l’annulation de la clause . L’employeur reproche notamment aux juges d’appel d’avoir annulé la clause, sans avoir cherché à la préserver par une réduction de son champ d’application géographique au périmètre correspondant à l’intérêt légitime de l’entreprise. Mais cet argument n’est pas retenu (Cass. soc. 22‑5‑2024 n° 22-17.036)  :

  • il appartient aux juges, à partir des éléments fournis, d’établir en quoi la clause empêche le salarié de trouver un emploi conforme à sa formation et à son expérience (Cass. soc. 18‑12‑1997 n° 95-43.409) , et ils ont ici retenu que le caractère concurrentiel et mouvant de l’activité de l’entreprise ne justifiait pas la restriction à la liberté de travail du salarié prévue par la clause, excessive au regard de sa qualification de technico-commercial, et que celle-ci n’était pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise ;
  • si le juge peut, dans certains cas, restreindre l’application de la clause de non-concurrence en limitant son effet dans le temps ou dans l’espace ou ses autres modalités (Cass. soc. 18‑9‑2002 n° 00-42.904) , cette possibilité ne joue pas lorsque seule sa nullité est invoquée par le salarié.

Conseil. Est ainsi élargie à toute demande du salarié limitée à la nullité de la clause de non-concurrence la jurisprudence en ce sens rendue dans le cadre d’une clause incompatible avec la CC (Cass. soc. 12‑10‑2011 n° 09-43.155) .

Et sur la violation de la clause. Particularité de l’affaire, l’employeur estimait ici que le salarié n’avait pas respecté la clause de non-concurrence ensuite déclarée nulle. Comment alors articuler le sort de l’indemnité au regard de la nullité et de la violation de la clause ? Pour leur part, les juges d’appel ont considéré que, dès lors que la clause était nulle, aucun remboursement de la contrepartie financière versée au salarié ne pouvait être accordé à l’employeur.

Mais ils sont censurés sur ce point : la Cour de cassation applique en effet sa jurisprudence sur la violation de la clause de non-concurrence à la clause dont la nullité a été reconnue (Cass. soc. 22‑5‑2024 n° 22-17.036) . Pour rappel, en cas de violation de la clause de non-concurrence :

  • le salarié conserve le droit au paiement de la contrepartie pécuniaire pour la période antérieure pendant laquelle il a respecté son obligation (Cass. soc. 27‑3‑1996 n° 92-41.992 ; Cass. soc. 18‑2‑2003 n° 01-40.194)  ;
  • mais la violation de la clause ne lui permet plus de prétendre au bénéfice de cette contrepartie, même s’il respecte à nouveau son obligation de non-concurrence (Cass. soc. 31‑3‑1993 n° 88-43.820 ; Cass. soc. 24‑1‑2024 n° 22-20.926)  ;
  • l’employeur qui prouve que le salarié a violé la clause de non-concurrence pendant la période au cours de laquelle elle s’est effectivement appliquée est donc fondé à demander le remboursement de la contrepartie financière indûment versée à compter de la date à laquelle la violation est établie.
Deux enseignements : le juge ne peut réduire une clause de non-concurrence dont le salarié n’a invoqué que la nullité. Et si une clause est déclarée nulle, l’employer peut demander le remboursement de l’indemnité perçue par le salarié pour la période où il l’a violée.

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