SALAIRE - SANCTIONS PéCUNIAIRES - 21.06.2024

Des sanctions pécuniaires interdites…

Les juges apportent des précisions sur 2 cas de sanctions pécuniaires.

Du fait de l’exclusion d’une formation

Une retenue/salaire. Les stewards d’une compagnie aérienne doivent suivre une formation dans le cadre de celles conditionnant l’exercice d’une activité ou d’une fonction en application de dispositions légales et réglementaires, constituant donc un temps de travail effectif devant être rémunéré comme tel (C. trav. art. L 6321-2) . Par décision unilatérale, la compagnie en interdit l’accès à ceux ayant plus de 10 min. de retard ou ne disposant pas d’une documentation à jour, et opère ensuite une retenue sur salaire à hauteur de la journée de formation non effectuée. Les salariés contestent cette retenue.

Un rappel des principes. Les juges rappellent d’abord que (Cass. soc. 20‑3‑2024 n° 22-20.569)  :

  • l’employeur est tenu de fournir sa rémunération au salarié se tenant à sa disposition (C. trav. art. L 3121-1)  ;
  • les sanctions pécuniaires sont interdites (C. trav. art. L 1331-2)  ;
  • la retenue sur salaire opérée par l’employeur en raison de l’absence du salarié est possible si elle est calculée à proportion de la durée de l’absence imputable au salarié (Cass. soc. 21‑3‑2012 n° 10-21.097) .

Et une sanction jugée illicite. Les juges ayant constaté que l’interdiction d’accéder à la formation au-delà d’un retard de 10 min. résultait d’une décision unilatérale de l’employeur alors que le salarié se tenait à sa disposition, et que l’employeur ne produisait aucun élément permettant d’établir que le retard de plus de 10 min. d’un participant faisait obstacle au déroulement de la journée de formation, ils ont pu en conclure que la retenue sur salaire opérée par l’employeur constituait une discrimination pécuniaire prohibée.

En pratique. Si les conditions de suivi de la formation imposées par l’employeur ne sont pas justifiées par un objectif légitime, la retenue de la journée de salaire correspondant à la formation non suivie est une sanction pécuniaire prohibée.

Du fait du comportement d’un trader

Le « bonus récupérable ». Dans les établissements de crédit, la rémunération variable peut, en tout ou partie, être réduite ou donner lieu à restitution, en fonction notamment du comportement ou des agissements du salarié, définis par les établissements, en considération des pertes sérieuses qu’ils peuvent occasionner, de l’implication de l’intéressé dans les agissements en cause, et du défaut de respect des exigences d’honorabilité et de compétence (C. mon. et fin. art. L 511-84 et R 511-24) .

Les faits. Dans cette affaire, l’employeur refuse de verser une partie de sa rémunération variable différée à un cadre de haut niveau qu’il a licencié pour faute grave du fait de son comportement inapproprié à l’égard de plusieurs collaboratrices, qu’il a qualifié de « harcèlement sexuel ». Pour lui, le comportement inapproprié du salarié relevait du manque d’honorabilité et de déontologie visé par la loi et la réglementation interne justifiant le non-versement de la rémunération variable.

En pratique. Ici, la rémunération variable se composait de plusieurs parties dont le paiement était différé sur 3 ans par tiers, notamment si la condition de performance était respectée. Selon le règlement de la banque sur les rémunérations variables, le comportement professionnel à risque était défini comme « tout comportement dans le cadre des fonctions inapproprié et dommageable pour la société en violation avec la loi et ses filiales, et/ou les normes professionnelles applicables à son activité sur la période d’acquisition (non-respect des règles de gouvernance et/ou de déontologie et/ou des procédures) » .

La solution. Les juges ne valident pas la réduction de la rémunération variable par l’employeur : les normes d’honorabilité et de compétence prévues par les textes, et dont le non-respect peut permettre de ne pas verser tout ou partie de la rémunération variable, doivent s’entendre des règles professionnelles en lien direct et étroit avec l’activité professionnelle d’investissement à risques (Cass. soc. 13‑3‑2024 n° 22-20.970) .

Conseil. La loi visant la limitation des prises de risques excessives dans les établissements bancaires, est retenu un périmètre strict d’application des textes qui ne prive pas d’effet l’interdiction des sanctions pécuniaires (C. trav. art. L 1331-2) . Par ailleurs, les aménagements de ce régime par la loi Pacte ne devraient pas, à notre avis, modifier cette interprétation.

Les sanctions pécuniaires sont interdites : il n’est possible ni d’exclure un salarié d’une formation et de ne pas rémunérer cette absence, ni d’appliquer la règle de réduction de rémunération variable d’un trader pour son comportement sans lien avec son activité.

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