IMPOSITION DES ENTREPRISES - DÉFICIT - 27.06.2024

Déficit d’une succursale à l’étranger : déductible ?

Votre société, établie en France, dispose d’une succursale a l’étranger. Cette dernière a dégagé un déficit. Votre société peut-elle l’imputer sur son résultat imposable. Le Conseil répond à cette question qui a fait couler déjà beaucoup d’encre.

Le droit communautaire existant

Principe : non déduction des déficits d’une exploitation à l’étranger. Une société française n’est pas autorisée, en principe, à retrancher de ses résultats imposables en France les déficits d’une exploitation à l’étranger.

Exception : la jurisprudence Marks & Spencer. La Cour de justice de l’Union européenne a toutefois admis qu’une société mère puisse déduire les pertes des filiales non résidentes lorsque ces dernières ont épuisé, dans leur État de résidence, toutes les possibilités de prise en compte de ces pertes (CJUE 13‑12‑2005 aff. 446/03, Marks & Spencer) .

Autre exception : la jurisprudence Bevola. Elle a également reconnu la même possibilité de déduction à une société établie dans un État membre à raison des pertes définitives subies par son établissement stable dans un autre État membre (CJUE 12‑6‑2018 aff. 650/16, A/S Bevola) .

Et un tempérament : la jurisprudence W AG. Elle a toutefois tempéré cette possibilité dans un arrêt ultérieur en ne permettant pas cette déduction dans l’hypothèse où l’État de résidence a renoncé à son pouvoir d’imposer les résultats de cet établissement en vertu d’une convention préventive de double imposition, et non sur le fondement de son droit national (CJUE 22‑9‑2022 aff. 538/20, W AG) .

La position du juge français

Les faits. La société mère, faisant partie d’un groupe fiscalement intégré, a demandé l’imputation des pertes définitives de sa succursale luxembourgeoise sur le résultat de l’une de ses filiales, en se basant sur la jurisprudence Marks & Spencer ; déduction refusée par l’administration.

La position des juges du fond. En revanche, le tribunal administratif de Montreuil et la cour administrative d’appel de Versailles ont approuvé cette demande. La cour de Versailles a permis cette imputation en se référant à la jurisprudence Bevola, autorisant la déduction des pertes d’un établissement stable dans certains cas. Elle a également considéré possible l’imputation de toutes les pertes accumulées, et non seulement celles survenues durant l’exercice de liquidation.

Une décision annulée par le Conseil d’État. Il reproche à la cour d’avoir commis une erreur en accordant un droit inconditionnel d’imputation en France des pertes provenant d’un établissement stable étranger, sans prendre en compte le contexte particulier de l’intégration fiscale. La solution adoptée aurait créé une inégalité de traitement au sein du groupe fiscal. Il ajoute que la différence de traitement entre les filiales avec des succursales en France et à l’étranger n’affectait pas la liberté d’établissement, car les situations n’étaient pas objectivement comparables.

Non déduction des pertes de la succursale à l’étranger. Ainsi, le Conseil d’État a conclu que la société française ne peut pas déduire les pertes de sa succursale au Luxembourg de bénéfices en France. En l’absence d’assimilation fiscale des établissements stables résidents et non‑résidents par la loi, aucune restriction à la liberté d’établissement n’est constatée. Concrètement, dans le cas d’espèce, les pertes de la succursale luxembourgeoise ne pouvaient être imputées sur les résultats en France et comprises dans le résultat d’ensemble du groupe fiscal intégré (CE 26‑4‑2024 n° 466062) .

Le Conseil d’État refuse à une société établie en France le droit d’imputer les pertes définitives de sa succursale luxembourgeoise, estimant que la différence de traitement avec une société ayant une succursale en France n’est pas contraire au principe de liberté d’établissement dès lors que leurs situations ne sont pas objectivement comparables.

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