SANCTION DISCIPLINAIRE - TÉMOIGNAGE ANONYME - 28.09.2023

Un témoignage anonymisé pour prouver la faute d’un salarié

Lorsque l’employeur entend infliger une sanction disciplinaire à un salarié, peut-il produire en justice un témoignage anonymisé pour prouver sa faute et établir la légitimité de la sanction ? Voici la position de la Cour de cassation sur cette question.

Attestation de témoignage comme preuve

Les attestations de témoignage. En cas de litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs d’une sanction disciplinaire invoqués par l’employeur au vu des éléments fournis par l’employeur et le salarié (C. trav. art. L 1235-1) . L’employeur peut produire en justice comme modes de preuve d’une faute d’un salarié des attestations de témoignage qui relatent les faits auxquels son auteur a assisté ou qu’il a personnellement constatés. Cette attestation doit mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur. Elle est écrite, datée et signée de la main de son auteur et indique qu’elle est établie en vue de sa production en justice. L’auteur doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature (CPC art. 202) . Le juge apprécie la valeur et la portée des témoignages produits. Si besoin, il peut procéder par voie d’enquête à l’audition du témoin auteur d’une attestation (CPC art. 303) .

Témoignages anonymes et témoignages anonymisés. Le témoignage anonyme est celui dont l’employeur ne connaît pas l’identité de son auteur. La Cour de cassation considère que le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes qui constituent une atteinte aux droits de la défense. Ces témoignages ne sont pas recevables comme modes de preuve (Cass. soc. 4‑7‑2018 n° 17-18241) . Elle a récemment précisé que le témoignage anonymisé est celui qui a été rendu anonyme a posteriori afin de protéger son auteur, mais dont l’identité est néanmoins connue par l’employeur, et elle a fixé les conditions dans lesquelles le juge peut prendre en considération un témoignage anonymisé (Cass. soc. 19‑4‑2023 n° 21-20308) .

Témoignage anonymisé comme preuve

Illustration. Un salarié a fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire et a saisi le juge prud’homal pour faire annuler cette sanction. Pour établir la preuve des faits reprochés au salarié, l’employeur a produit l’attestation anonymisée d’un autre salarié ayant accepté de témoigner sous anonymat et les comptes-rendus des entretiens que ce témoin a eus avec un membre de la direction des ressources humaines. En appel, les juges ont annulé la sanction de mise à pied disciplinaire et écarté l’attestation de témoignage anonymisé et les autres pièces produites par l’employeur considérant qu’elles n’avaient pas de valeur probante, car la personne incriminée ne pouvait se défendre d’accusations anonymes. Pour les juges, les faits incriminés à l’encontre du salarié n’existaient pas et ne constituaient pas une faute. L’employeur s’est pourvu en cassation.

Témoignage anonymisé recevable comme preuve sous conditions. La Cour de cassation a censuré la décision des juges. Elle a déclaré que si le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes, il peut néanmoins prendre en considération des témoignages anonymisés, c’est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l’identité est néanmoins connue par l’employeur, lorsque ceux-ci sont corroborés par d’autres éléments permettant d’en analyser la crédibilité et la pertinence. Dans cette affaire, l’employeur ayant produit en justice d’autres pièces, que l’attestation et les comptes-rendus d’entretiens, pour caractériser la faute du salarié, les juges du fond auraient dû apprécier la valeur et la portée de ces autres pièces avant d‘écarter le témoignage anonymisé (Cass. soc. 19‑4‑2023 n° 21-20308) .

Pour prouver la faute d’un salarié, l’employeur peut produire en justice un témoignage anonymisé dont il connaît l’identité de son auteur, à condition d’apporter d’autres éléments de preuve crédibles et pertinents à l’appui de ce témoignage. En effet, les témoignages anonymisés sont recevables en justice lorsqu’ils sont corroborés par d’autres éléments permettant d’en analyser la crédibilité et la pertinence.

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